S’éveiller à soi même, liens entre psychanalyse, hypnose et méditations
Les psychologies bouddhiste et occidentales définissent le moi sain de la même manière : un processus de synthèse et d’adaptation entre la vie intérieure et les relations au monde extérieur qui produise un sentiment, une sensation intérieure de continuité et de garder le sentiment de rester soi dans TOUTES les circonstances de la vie (c’est à dire en étant seul dans le moment présent mais aussi en étant capable d’établir des relations et une vie sociale, en étant aussi capable de rentrer dans l’intimité et la continuité d’une relation d’amour pour l’autre sexe).
Un compromis
Le plus souvent le moi n’en est pas arrivé là et les deux psychologies peuvent alors définir la personnalité comme un compromis : une réponse à la peur inconsciente de certaines émotions de certains affects non reconnus en nous (et que nous projetons alors à l’extérieur, nous détestons chez l’autre ce que nous ne re-connaissons pas en nous mêmes).
Par exemple quelqu’un qui a peur d’une relation proche ne supportera pas la chaleur de la proximité (et utilisera le non attachement comme justification) et quelqu’un qui masque sa dépendance ne supportera pas la solitude de la méditation.
Comment se construit le moi ?
Un moi sain, qui est, notamment, identification à certaines valeurs des parents ne peut se construire que sur un soi sain (il y a donc une différence fondamentale entre la psychologie du moi du temps de Freud et la psychologie du soi actuelle), comme un arbre pousse grâce à un enracinement de ses racines dans le sol, or une majorité de personnes, actuellement, ont des manques dans la zone du soi, c’est à dire du SENTIMENT d’exister (et de s’aimer et s’accepter) et n’ont donc pu construire un moi vrai, c’est devenu évident avec la crise de l’épidémie du Covid et les mesures d’isolement (les personnes en souffrance psychologique sont estimées a environ 25 à 30 % de la population).
On n’est plus du temps de Freud et la psychologie du moi ne peut expliquer la souffrance existentielle : la psychologie moderne est la psychologie du soi (par exemple en psychanalyse, Jacques-Alain Miller, Donald Winnicott) mais c’est aussi la bioénergie, la biodynamique (Wilhelm Reich) l’hypnose ericksonienne ou la mindfullness meditation.
Pour ces personnes en souffrance profonde, guérir, nécessite qu’arrive une prise de conscience de ce qui se passe dans la relation (psychanalyse) mais en le ressentant aussi à partir du corps (le corps garde la mémoire de ce que nous avons vécu enfants, c’est comme un paysage où tout de nous peut renaitre) : la seule compréhension intellectuelle actuelle ne guérit pas car l’émotion est à un autre moment, chez l’enfant en nous.
Ce que disait depuis longtemps le bouddhisme : tout a toujours été là, être seulement là, conscients (mais s il n y a pas assez de « moi je » l’hypnose et la méditation sont contre indiqués).
Qu’est ce que le soi ? (car avant d’arriver au moi ou plus tard au non soi bouddhiste, il est nécessaire d’être soi et d’ avoir un moi)
Un soi sain se forme au début de la vie, avant 3 ans, à la fois par la libre circulation de la respiration corporelle, comme l’explique bien le psychanalyste Winnicott (ressentez un petit enfant : son corps est harmonieux, il n’ y a pas de contractures) ET par la sensation d’être aimé, accepté par des parents qui ont une identité suffisante pour à la fois ressentir au delà des mots et avoir une identité personnelle, relation complexe surtout pour les femmes devenant à la fois femme et mère, ce qui aboutit alors, lentement après la position dépressive décrite par la psychanalyste Melanie Klein ou le stade du miroir décrit par Jacques Lacan à la sensation d’un moi séparé de la mère.
Pour cela il, faut une relation de présence (la présence c’est être habité par les émotions dans le corps, une non-pensée) et d’amour des parents : petits enfants nous avons des besoins : besoin du regard aimant des parents, de leur présence (dans un corps à corps) mais aussi qu’ils respectent ce que tout petit enfant a spontanément, de pouvoir jouer tout seul perdu dans son monde ou certaines émotions qui prendront du temps pour évoluer comme, rage ,haine ,colère, besoin de prendre de la place…
Si les parents ne sont pas capables émotionnellement d’avoir assez de présence et d’empathie pour certains de ces besoins et émotions d’un petit enfant, l’enfant ne va plus avoir confiance en ce qu’il ressent, il va croire ce que disent les parents. Ses émotions et besoins seront refoulés, dissociés dans le corps sous forme de contractures musculaires (ou d’hyperlaxité), de blocage de la respiration, de somatisations ET l’enfant va développer un faux moi (ou faux self), une apparence qui sera dissociée des émotions refoulées, un faux moi qui correspondra à ce que les parents veulent qu’il soit (tout enfant a un besoin vital d’être aimé) ce faux moi sera dans un mental dissocié du corps , faux moi que nous utilisons tous dans les relations sociales inconsciemment et qui peut se fracturer dans des crises profondes comme la crise du Covid où on voit chez tellement de personnes réapparaitre des émotions infantiles de paranoïa, violence, incapacité d’être seul , non respect des règles.
Il y aura deux formes de faux moi :
- ou bien un besoin d’en faire toujours plus (parce que les parents ou un parent ne l’aimera par exemple que s’il est parfaitement silencieux, extraordinairement bon élève…) et cette personne à l’age adulte aura besoin d’être hyperactif pour avoir une sensation d’exister et d’être aimé.
- ou un faux moi qui a renoncé à être aimé, qui se sent vide, seul replié sur lui et cette personne à l’age adulte sera isolée, aura très difficile à avoir une relation d’amour stable et des relations sociales.
Le faux moi crée une fausse individualité qui isole du monde et des autres, tout en gardant la nostalgie inconsciente de l’amour qu’on n’a pas eu enfant, tous deux auront donc difficile à vivre la solitude (sauf les personnalités psychotiques).
La personne avec un faux moi sera dans le mental (« j’ai un mental fort »), coupée du ressenti et ne parlera pas « vrai » (« le mot chat ne dit pas miaou » disait Gregory Bateson), aura des théories.
On verra rarement les personnes avec la première forme de faux self dans la méditation bouddhiste ou en psychothérapie : en général ces personnes vivent dans la société et ne décompensent que quand elles perdent leurs points d’appui (perte du couple ou perte du boulot ou isolement par exemple).
Par contre la personne avec un faux moi-vide peut être très attirée par la méditation bouddhiste en se trompant d’adresse car elle a besoin d une psychothérapie mais ces personnes se reconnaissent dans le « dire » bouddhiste : on parle de non-moi et justement elles en ont si peu ; on parle de non attachement et elles sont incapables de s’attacher et d’aimer dans la durée et la proximité, on parle de vacuité et justement elles se sentent vides et en plus elles peuvent être seules (et justement la proximité est menaçante pour elle). Ces personnes ne vont retenir du bouddhisme que la vacuité qu’elles confondent avec le vide, elles oublient que la compassion c’est d’abord pouvoir s’identifier à tout ce qui est humain, être en relation dans la compassion elles vont se créer un faux moi bouddhiste
On sentira bien (à travers leur corps: le corps ne ment jamais) dans leur manière de parler que c’est un pseudo détachement qu’il y a un manque d’humanité, de sensibilité, une froideur, une incapacité à accepter sa fragilité humaine et celle des autres.
Être présent à la nature, aux arbres, aux objets est bien, être présent à l’autre et développer de la compassion dans une relation nécessite autre chose : devenir intime avec soi-même pour reconnaitre et ressentir l’autre en soi, ne rien rejeter.
Le bouddhisme explique qu’il y une réalité des phénomènes et une réalité ultime qui est la conscience de la vacuité mais Nagarjuna dit aussi que ces deux réalités sont dans des plans logiques différents et que les deux dimensions vont ensemble ( seuls les bouddhas laissent le saut se faire de les réunir en une réalité mais qui, en est vraiment arrivé là ?) S’attacher à la vacuité est la pire des choses dit le Dalaï-Lama car la compassion, l’amour viennent du soi, du monde des phénomènes.
On peut rester toute sa vie avec un faux moi si le mental est très fort , très contrôlant, mais il y a en chacun de nous une pression de l’inconscient pour devenir soi-même dans le monde.
Certains abandonnent brusquement la méditation après dix ans de pratique, ils se réveillent, ils avaient oublié d’ aimer, tomber amoureux, re-trouver cette proximité, ils avaient oublié d’exister dans le monde social.
Avant d’être détaché il faut avoir pu s’attacher profondément.
Aimer c’est être seuls à deux : à la fois être seul et non attaché mais aussi être proches, être à deux, avoir un lien , avoir du désir (et le désir, tomber amoureux, partent du moi : c’est la rencontre de deux inconscients). Beaucoup de personnes ne prennent pas le risque d’aimer vraiment, car là, on ne peut plus tricher (contrairement aux relations sociales) et inconsciemment elles sentent qu’elles vont devoir revivre ce qui est masqué en elles, leur besoin de dépendance, leur tristesse mais aussi leur colère et leur haine d’enfants non aimés et perdre la pseudo sécurité
Le paradoxe et le drame du faux self est qu’il continue inconsciemment à être ce que les parents voulaient qu’il soit alors qu’il a un besoin profond d’aimer et d’être aimé , mais il ne le sait pas, il ne ressent pas ce que c’est aimer, son faux self cache un vide.
La méditation et (ou) la psychothérapie (les personnalités perverses ne vont jamais en psychothérapies car sont vides, une psychothérapie nécessite une souffrance éprouvée à partager dans une vraie relation) va aider ces personnes, à la fois, car elles trouvent un milieu où leur handicap devient une qualité et donc en tirent un bénéfice narcissique et aussi parce que la pratique permet de retrouver un enracinement et avec la respiration de laisser renaitre une conscience corporelle, un plein de sensations là où souvent il n’y avait rien.
En méditation assise, la respiration réinscrit une conscience corporelle à partir de la respiration et de la concentration flottante, cette conscience ne va se réinscrire que si on arrête de vouloir (mais comment arrêter de vouloir quand on n’en a même pas conscience ?) C’est à dire que cette conscience nait en quelque sorte en-dessous de la conscience contrôlée par le mental qui est une conscience partielle , «ça respire», ce n’est pas moi-qui-pense qui respire. À partir de cette non-pensée d’un corps réinscrit, une observation devient possible du mental et des émotions dans le mental, mais AUSSI des rigidités – armatures dans le corps conscient où d’autres émotions refoulées sont encapsulées.
Donc entrer dans les émotions qui peuvent apparaitre devient souvent nécessaire quand elles ne sont pas intégrées à la personnalité, autrement l’agitation persiste, nous en avons tous l’expérience : laisser passer peut donc aussi être une fuite devant des côtés que nous voulons ignorer de nous même et qui contredisent notre façade : ce n’est pas possible avec la méditation seule, cela nécessitera un travail en psychothérapie.
Une psychothérapie des personnes ayant un faux self nécessitera l’abord habituel des psychanalyses mais AUSSI un travail de retrouver en hypnopsychanalyse les émotions dissociées et inconscientes dans l’armature corporelle (qui s’est structurée dans le corps-enfant au moment du manque), devenir
Retrouver la rage, la haine, la colère, la tristesse, en soi, permet aussi de retrouver la capacité d ‘aimer et de pardonner (le passé ne peut être réparé, mais on peut enfin aimer au présent) car pour ces personnes la prise de conscience seule ne suffit souvent pas, cela renforce leur mental, leur faux self et devenues conscientes par exemple de leur haine, elles ne l’acceptent pas comme venant d’elles, elles vont la projeter sur quelqu’un d’extérieur, divisant le monde en blanc (les personnes comme elles) et noir (les personnes trop différentes psychiquement d’elles).
La non-pensée dans le corps est l’équivalent du soi : cela explique pourquoi la méditation, en restituant ce soi, nous donne des résultats si positifs, de sécurité intérieure et d’ouverture au monde, aux autres mais cela demande plus qu’une vie.
En devenant soi-même, il n’y a de moins en moins de mental, il est de moins en moins nécessaire, on peut s’oublier car on est relié à un soi, plus besoin de contrôler, il y a plus de sécurité et d’ouverture (regardez un petit enfant, il est ouvert aux autres, il est curieux, il rend deux fois plus d’amour qu’il n’en a reçu) mais redevenir un enfant-adulte qui renonce au rêve d’être aimé comme on il aurait voulu l’être et alors automatiquement, on renonce aussi à la haine, à la rage et à beaucoup de colère (on a peur de soi-même), vivre moment après moment, en acceptant le bonheur et la souffrance, en les vivant complètement dans le corps et en en comprenant alors l’origine permet aussi de pouvoir y renoncer.
Jean Schmitt
Références :
Alice Miller L’avenir du drame de l’enfant doué (Puf)
Mark Epstein Pensées sans penseur (Calmann-Lévy)
Guy Bugault L’Inde pense-t-elle ? (Puf)
Gerda Boyesen Entre psyché et soma (Payot)
Wilhem Reich L’analyse caractérielle (Payot)
Troubles borderline et états anxieux et dépressifs
- MARTIN DESSEILLES, Manuel du borderline (Ed Eyrolles)
- KERNBERG OTTO, Les troubles graves de la personnalité (Stratégies psychotherapeutiques puf 2004)
- WINNICOTT D-W, Jeu et réalité (Gallimard)
- KOHUTH HELMUT, Le soi (puf 1975)
Troubles psychotiques
- SEARLES HAROLD, L’effort pour rendre l’autre fou (Gallimard)
- RACAMIER PAUL-CLAUDE, Le génie des origines (Payot)
Troubles avec moi solide (structures névrotiques)
- ROSENBERG MARSHALL, Les mots sont des fenêtres ou des murs (Jouvence ed)
- CHERTOK LEON et STENGERS ISABELLE, Le cœur et la raison, l’hypnose en question (Payot)
- WELLWOOD JOHN, Love and awakening (Harperperennia)
- ROUSTANG FRANCOIS, Qu’est ce que l’hypnose (ed minuit)